Le processus de réflexion aura été long. Laborieux. Semé de doutes. De changements d’avis. Mais cette fois, c’est fait: je viens de vendre ma voiture. Va, Titine, je ne te hais point.
Au commencement était la voiture
J’ai grandi à la campagne. Autant dire que j’ai grandi dans la culture de la voiture. On ne vit pas sans voiture. On ne se pose même pas la question. Quand j’ai eu 18 ans, j’ai passé le permis. (Que j’ai réussi du premier coup, je tiens à le souligner. Une des grandes fiertés dans ma vie. Fin de la parenthèse.) Quand j’ai eu 20 ans, je me suis offert ma première voiture: une Fiat Panda. Rouge. Vieille. Prix: environ 200 heures de travail dans le restaurant mexicain où je passais mes week-ends. Pas cher. D’autres ont suivi. J’ai toujours eu une voiture. Toujours.
Je suis une repentie
Je vis à Bruxelles. Ceux qui me connaissent bien le savent: il n’y a pas si longtemps, je faisais partie de ceux qui prennent la voiture pour aller au supermarché du coin. Non que je doive ramener de grosses courses, non non, je n’avais même pas cette excuse. Non, par réflexe. Pourquoi marcher? Il m’est même arrivé un jour de prendre la voiture pour rejoindre le cortège d’une manifestation pour la défense du climat qui démarrait à un kilomètre de chez moi. Véridique. Jamais je n’aurais envisagé de me passer d’une automobile. J a m a i s.
L’enfer (en voiture), c’est les autres
C’est il y a trois ans environ que j’ai eu le déclic. Il devait être 7h45. J’étais pourtant partie tôt. De fait, je partais de plus en plus tôt pour éviter les embouteillages. Sauf que je n’étais manifestement pas la seule à avoir eu cette idée. Bientôt, je devrais prendre la route à 4 heures du matin. J’irais me coucher à 19h30 pour être en forme. Le rêve. Bref. 7h45, disions-nous. J’étais déjà en route depuis une bonne vingtaine de minutes et j’avais parcouru… 900 mètres. Je me souviens de ce matin pluvieux, gris, déprimant à souhait. Si je n’avais pas été en voiture, je crois que je me serais pendue. Coincée, seule, dans ma voiture. Au milieu de dizaines d’autres voitures. Si nombreux et si seuls. Quelques heures plus tard, je prenais un abonnement à Villo!
Le vélo c’est rigolo
Très vite, j’ai eu comme une révélation. Finis, les embouteillages! L’heures de pointe devenait soudain une notion abstraite. Liberté! Bon, les premiers jours, j’ai souffert. Physiquement, je veux dire. Mais souffert grave. Mes cuisses, surtout. Et le souffle… plus d’une fois j’ai bien cru que j’allais y rester. Mais j’ai tenu bon. Et chaque jour, le trajet devenait un peu plus facile. Et petit à petit, j’ai même commencé à prendre du plaisir en pédalant. Un peu plus tard encore, le plaisir était toujours là même sous la pluie. J’étais foutue: j’étais devenue accro. Je ne savais pas encore que j’allais bientôt adhérer au Gracq (tu sais? Ces bobos-écolos dont le seul objectif dans la vie est de pourrir la vie des automobilistes). Non seulement j’ai adhéré, mais je suis même devenue militante en rejoignant la locale de Schaerbeek. Bref.
Titine est morte. Vive Titine
Un jour, je rentre de mon espace de coworking préféré (en pédalant gaiement sur mon Villo!). Comme chaque jour, je jette un oeil distrait à ma voiture en passant devant. Ce jour-là, c’est le drame: elle est détruite. Sinistre total. Ma fidèle Titine (10 ans déjà) n’est plus. La faute à un chauffard passé par là un peu plus tôt.
Si tu as suivi, tu auras compris que j’étais alors devenue une adepte du vélo. Eh bien tu sais quoi? Je n’ai même pas réfléchi et je suis allée m’acheter une nouvelle voiture. Si. Je te jure. Je n’ai même pas envisagé de m’en passer. L’idée de m’a même pas traversé l’esprit.
Titine or not Titine
C’était il y a deux ans. Depuis lors (marre des stations Villo! vides ou pleines ou des Villos! défaillants!), deux vélos ont fait leur apparition dans ma vie. Enfin, trois, puisqu’il y a d’abord eu Barnabé, mon (vieux) vélo que j’étais allée récupérer chez mon ex. Ensuite est arrivé José Maria. Ah, qu’est-ce qu’on s’est aimés… Jusqu’au jour où il a fugué. J’étais triste. Mais j’ai rebondi dans la journée en allant adopter Gustavo. Depuis, on ne se quitte plus. Gustavo m’accompagne partout. Je viens même de lui obtenir un abri officiel depuis quelques jours.
Pourquoi je te raconte tout ça? Parce qu’il m’aura fallu trois ans, trois ans de cheminement, trois ans à pédaler sur plein de vélos différents pour me rendre compte que oui, je pouvais me passer de voiture. J’ai la chance d’habiter une grande ville. D’avoir une station Cambio à 50 mètres de chez moi. Et je ne te parle même pas des autres systèmes de carsharing qui fleurissent à Bruxelles. J’ai la chance d’avoir des arrêts de bus partout. Une station de métro à quelques centaines de mètres. Des taxis en veux-tu en voilà. Mais, surtout, mon fidèle Gustavo. Alors quoi? Une voiture personnelle, pour quoi faire? C’est décidé: je vends ma voiture.
(Je crois que c’est en voyant cette vidéo, il y a un an environ, que j’ai commencé à rêver du jour où j’aurais le courage (j’insiste sur le mot “courage”) de vendre, moi aussi, ma voiture.)
Ce qui ne va pas me manquer
Être coincée dans les files. Seule. Dans ma voiture. Derrière une autre voiture qui m’envoie ses gaz d’échappement direct dans le nez. (Eh oui, contrairement aux idées reçues, on respire moins de crasses en circulant à pied ou à vélo plutôt qu’en voiture.) Tourner 35 minutes en arrivant chez moi pour trouver une place de parking. Payer mon assurance. Payer ma taxe auto. Payer l’entretien de Titine. Payer les réparations de Titine. Payer l’essence de Titine. Aller vérifier si personne n’a abimé Titine depuis la dernière fois où je l’ai prise.
Et demain?
Demain, mes cuisses seront encore plus musclées. Mon souffle, encore meilleur. Mon plaisir en écoutant les oiseaux me saluer sur mon passage, le matin, toujours aussi intense. Et mon Gustavo, toujours aussi beau. Allez, promis, on fait le bilan dans quelques mois, si tu veux.
Et toi? Auto? Vélo? Métro?
NB: merci d’éviter les commentaires haineux et/ou agressifs, que ce soit contre les automobilistes, les cyclistes, les martiens ou les petits oiseaux. Ce blog n’est qu’amour. Nous sommes tous des êtres humains qui allons du point A au point B (on appelle cela la mobilité. Ou la vie). L’essentiel est de nous respecter les uns les autres et de nous partager la route (et le reste). Amen.
Trop géniale, ton histoire!
Mais moi, j’ai vraiment les boules quand j’enfourche ma bicyclette.
Ce plaisir que tu décris, cette excitation, cette fierté de me mouvoir “à la seule force de moi”, en toute simplicité, cette griserie de me sentir tellement bien dans ma peau à vélo, cette sensation de liberté sont vraiment des moments précieux.
Pourtant, même s’il n’y a à Bruxelles que de 1% (1150,1160… à 3% (1030, 1080,1210…), cela me fait toujours aussi peur (au moins une grosse frayeur tous les 100 km dans mon cas).
Merci de me donner ta recette pour reprendre confiance.
@+.
ch
Oh, merci beaucoup pour ce commentaire, Charles, ça fait plaisir de lire ça!! Tu sais, des frayeurs, on en a tous, je pense. Il faut, je pense, connaître ses limites, et trouver le juste dosage de confiance en soi. N’oublie pas: c’est la peur de tomber qui fait tomber. Bon, après, il ne faut pas tomber dans l’inconscience non plus, mais je pense que la clé, c’est de savoir anticiper chaque danger possible. Et, dans le doute, ne pas hésiter à ralentir/t’arrêter.
Je te souhaite de faire de belles balades en 2019. Et n’hésite pas à suivre la formation du Gracq pour apprendre à rouler dans le trafic (https://www.gracq.org/formations-velo-dans-le-trafic ) – je l’avais suivie à l’époque (alors que je roulais déjà quotidiennement) et elle m’avait donné pas mal confiance en moi, en plus de m’avoir appris plein de choses.
Bonne route et belle année! 🙂