Dans Chroniques radio, En selle, Bruxelles!, Réflexions

Ce texte est adapté d’une de mes chroniques dans Les Socquettes en Titane, l’émission radio/podcast bruxellois(e) dédiée au vélo. Vous pouvez écouter la chronique originale ici.

Bonne à toutes et à tous! Pourvu que cette année 2124 qui débute soit aussi belle, aussi bonne et aussi joyeuse que 2123…

En ce 1er janvier 2124, j’aimerais dresser un petit bilan, non pas de l’année écoulée, mais… du siècle écoulé. Hé oui, aujourd’hui je vois les choses en grand.

Que s’est-il donc passé dans le monde du vélo depuis janvier 2024 ? Ha, tant de choses !

Saviez-vous qu’il y a une centaine d’années, une pandémie terrible a frappé le monde entier ? C’était un sale virus, baptisé covid-19, ou coronavirus. La pandémie était telle et le virus était si contagieux que les gens ont été confinés chez eux pendant des mois !

A l’époque, les voitures avaient le droit de rouler partout

À cette époque, les voitures avaient encore le droit de rouler partout. Et même de se garer partout. Si si, je vois vos yeux incrédules, mais je vous promets que c’est la vérité : vous et moi, nous avions le droit d’acquérir une voiture, pour nous-même, pour un usage totalement privé, donc, et, si nous n’avions pas d’endroit pour la ranger, nous étions autorisés à la laisser sur la rue. Comme ça.

Je sais que ça paraît difficile à imaginer aujourd’hui, mais à l’époque, c’était comme ça : la voiture était considérée comme la maîtresse de la route, et les autres modes (le vélo, les transports collectifs comme notre bien aimé Zinnekebus et les piétons) devaient… faire comme ils pouvaient. Les Zinnekebus de l’époque (qu’on appelait simplement des bus) pouvaient parfois rouler dans des zones qui leur étaient réservées, mais pas toujours. Et les piétons devaient systématiquement marcher sur le bord de la rue, collés aux maisons, dans des zones qui leur étaient réservées : on appelait cela des trottoirs. Pour traverser la rue, ils devaient marcher jusqu’à des zones spéciales, avec des traits de peinture blanche au sol, où ils étaient autorisés à traverser. On appelait ça des passages piétons.

Parfois, il y avait aussi des poteaux avec des lumières sur les carrefours : une rouge, une orange et une verte. Les différents usagers, y compris les piétons, devaient attendre que la lumière soit verte pour pouvoir continuer leur chemin. L’idée était d’éviter que les différentes personnes circulant en voiture, à vélo, à pied ou en Zinnekebus ne se rentrent dedans en fait.

Je sais, ça paraît fou. J’ai vu des photos et des vidéos de l’époque et franchement, quand j’ai vu ça, je me suis rendu compte qu’on vient de loin et que je suis bien contente de vivre dans les années 2100 !

Des “accidents de la route”

J’ai même lu des articles qui disaient qu’à l’époque, dans les années 2020, il y avait tous les jours des blessés et même des morts ! D’après ce que j’ai lu, on appelait ça des “accidents de la route” et en général, les gens réglaient ça entre eux. Parfois, la police intervenait, mais ce n’était jamais considéré comme un meurtre. En fait, il y avait tellement « d’accidents » que tout le monde trouvait ça normal.

Une pandémie mondiale

Heureusement, les choses ont commencé à changer au moment de cette fameuse pandémie. A cette époque, plein de gens se sont mis à circuler à vélo. D’une année à l’autre, on a vu le nombre de véloteurs et de véloteuses littéralement exploser dans plein de villes du monde ! Et Bruxelles ne faisait pas exception. C’est à ce moment-là que le gouvernement de l’époque s’est dit que ce serait peut-être mieux de commencer à protéger ces personnes à vélo pour éviter qu’elles ne se fassent tuer sur la route.

Ils ont donc commencé à créer ce qu’on appelait alors des « pistes cyclables » : des zones réservées aux personnes à vélo, parfois protégées par un muret, parfois juste délimitées par des traits de peinture.

J’ai fait quelques recherches, et en fait, la peinture ne protégeait absolument personne. Mais apparemment, le gouvernement n’osait pas trop contrarier les personnes qui circulaient en voiture à l’époque (on les appelait des automobilistes). Quand le gouvernement a commencé à créer des pistes cyclables protégées, des groupes d’automobilistes se sont soulevés : ils ont commencé à lancer des pétitions, à se rouler par terre, à crier à l’injustice et aller manifester dans la rue, même (en voiture), et certains sont même allés jusqu’à casser du mobilier urbain et des panneaux de signalisation… C’était des panneaux qu’on mettait dans la rue pour dire aux gens comment ils devaient se comporter à tel ou tel endroit : par exemple, pour dire qu’ils ne pouvaient pas entrer dans telle ou telle rue avec leur voiture, pour leur dire s’ils pouvaient ranger leur voiture dans la rue gratuitement ou s’ils devaient payer, pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas rouler plus vite que telle ou telle vitesse… En effet, les voitures n’étaient même pas géobridées à l’époque: aucun dispositif ne limitait automatiquement leur vitesse dans les villes, les gens pouvaient rouler comme ils voulaient, on leur faisait confiance (à tort, comme on l’aura compris)

Bref. Face à la hargne de ces automobilistes pas contents, le gouvernement a été super lent pour améliorer l’espace public pour permettre aux autres personnes, celles qui ne circulaient pas en voiture, de le faire sans se faire tuer.

Comme on l’aura compris, les voitures pouvaient donc circuler dans Bruxelles à l’époque. C’était la norme en fait. La plupart des gens se déplaçaient en voiture à l’époque, tout seul le plus souvent. Il y avait les voitures des Bruxellois, mais les personnes qui venaient d’ailleurs avaient aussi le droit de circuler dans Bruxelles avec leur voiture. Je sais, ça paraît dingue

Il paraît qu’il y avait même tous les jours des problèmes avec trop de voitures – on appelait ça les embouteillages. Et en plus, tout cela rendait la ville très bruyante, car les voitures roulaient encore au pétrole ! C’était bruyant, donc, ça sentait mauvais et ça polluait énormément. Chaque année, environ 700 Bruxellois et 9000 Belges mouraient prématurément à cause de la mauvaise qualité de l’air…

On vient de loin!

Voilà pourquoi j’avais envie de parler un peu du passé aujourd’hui, pour qu’on apprécie vraiment le Bruxelles d’aujourd’hui, en 2124 : quand on pense qu’on peut faire tout ce qu’on veut dans la rue aujourd’hui, qu’on a tous ces arbres partout, cette verdure, que les enfants peuvent courir et jouer librement, quand on pense à l’air pur qu’on respire, il faut apprécier notre chance et nous dire que les choses n’ont pas toujours été comme ça.

Aujourd’hui, les gens passent plein de temps dehors, y compris pour se déplacer puisqu’ils se déplacent surtout à pied et à vélo. Tu vois, ces repas et ces apéros que les gens organisent un peu partout devant chez eux à Bruxelles avec leurs voisins ? Avant, ce n’était pas possible, ça, par exemple ! Il paraît que les gens ne connaissaient même pas leurs voisins à l’époque, vous vous rendez compte !?

Donc voilà. Lundi matin, lorsque vous enfourcherez votre bicyclette ou enfilerez vos chaussures pour vous rendre au travail, pensez-y et tâchez d’apprécier cette ville dans laquelle nous avons la chance de vivre aujourd’hui, en 2124.

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