Dans Réflexions

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C’est la phrase que j’ai prononcée, ce matin. “T’as vu la vidéo que j’ai postée sur ton mur?”. Jusque-là, rien de transcendant, me direz-vous. C’est ce que je pensais aussi.

Seulement voilà, un peu plus tard, tandis que je prenais ma douche (note à moi-même: rechercher sur le Net des études scientifiques qui s’intéressent à ce phénomène avéré: pourquoi tant d’idées et autres inventions ont-elles été trouvées pendant que leur auteur baignait son corps dans l’eau – car vous aussi, avouez-le, c’est sous la douche ou dans votre bain que vous viennent ces idées de génie, non?), tandis que j’étais sous la douche, donc, cette phrase resurgit soudain à mon esprit – sous l’effet, donc (voir plus haut – faut suivre hein!) de l’eau qui ruisselle sur mon corps (de déesse): “T’as vu la vidéo que j’ai postée sur ton mur?”. Terrassée par cette phrase qui résonne encore dans mon esprit, je m’écrie: “c’est moi qui ai dit ça???”Et là, je me rends compte de ce que Janeth Leigh a pu ressentir, ce jour-là, sous sa douche…

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C’est alors, en frottant, non sans une certaine émotion, le savon qui me pique les yeux, que je me demande ce qu’il serait advenu si j’avais prononcé cette phrase, tellement anodine aujourd’hui, en 2014, si je l’avais prononcée il y a vingt ans, soit en 1994. Bon, si vous êtes né dans les années 80 ou après, ce billet n’aura pas beaucoup de sens pour vous, évidemment. Car je vais vous parler ici d’un temps que les moins de vingt ans… on connaît la suite (ou pas – auquel cas, je vous invite à regarder la petite vidéo qui suit et à découvrir le grand Charles. Enfin, “grand”…).

Revenons-en à mon rêve éveillé sous la douche (oui, j’aime bien me doucher longtemps. C’est pas écolo, c’est vrai, mais pour me rattraper, je tire la chasse d’eau une fois par semaine seulement, ça compense). Nous sommes en 1994, donc. Mon ami Jean m’appelle, on papote un peu, et soudain, je lui demande: “Tu as vu la vidéo que j’ai postée sur ton mur?”. Cette phrase fait place à un long silence. Silence que je finis par comprendre: plusieurs mots posent problème dans l’esprit de Jean. Deux mots plus exactement: “posté” et “mur”.

Certes, ces deux mots ne sont pas neufs dans la langue française. Seulement voilà: depuis quelques années, leur sens a été élargi. Et c’est peu dire! Prenons le verbe “poster“, donc. Que comprend mon ami Jean, en 1994? Je lui aurais envoyé une vidéo par la poste? C’est possible, non? Même en 1994. J’aurais enregistré un film à la télé sur mon magnétoscope, et lui aurais envoyé la cassette (VHS) par la poste (mais si, même toi, qui es né en 1990, je suis certaine que tu sais ce qu’est un bureau de poste. Tu en as certainement entendu parler).

Jusque-là, ça paraît logique. Mais – et c’est là que j’en arrive au second terme qui pose problème dans cette phrase, hypothétiquement prononcée en 1994 – Jean n’a-t-il donc pas de boîte aux lettres pour que je sois obligée de lui poster ma cassette sur son mur? Jean ne risque-t-il pas de voir dans cette phrase une forme d’agressivité? Du genre: “t’as vu la vidéo que je suis allée écraser contre ton mur?”. Jean ne risque-t-il pas de se fâcher très fort contre moi? Et comment lui expliquer que dans le verbe “poster”, tel que je l’utilise ici, il n’est pas question de coller un timbre sur l’enveloppe contenant ma cassette VHS? (Nouvelle frayeur soudaine, en écrivant ces mots: cela doit bien faire 15 ans que je n’ai pas utilisé les mots “timbre”, “enveloppe” et “cassette VHS” dans une même phrase. JE SUIS VIEILLE!!!)

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Il me faut calmer mon ami jean qui commence à croire que je me moque de lui. Je lui explique que “poster” utilisé dans ce sens est en fait un mot nouveau en français, emprunté à l’anglais, qui veut en fait dire publier. Et alors que je pensais calmer mon ami en lui expliquant mon raisonnement, je vois qu’il s’énerve encore plus et menace cette fois de ne plus être mon ami:

“Si tu continues, je serai plus ton ami et je te parlerai plus jamais!”, me dit-il. Stupeur, frayeur! Jean, mon ami, ne n’ai pas terminé, écoute-moi!

En effet, il me faut à présent lui expliquer que le mur dont je parle n’a rien à voir avec la façade de sa maison. Lui expliquer qu’il y a un truc, maintenant, qui s’appelle l’Internet. Me voilà donc partie pour une heure d’explication – pas simple, en effet, de résumer le concept pour quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler. Et ensuite, c’est pas fini! Pour lui expliquer le “mur” en question, je dois lui expliquer Facebook! Et là, c’est reparti pour une heure d’explication. Je vous jure que c’est épuisant!

A la fin, comme dans les (mauvais) films américains, tout est bien qui finit bien, évidemment: Jean – qui est un garçon intelligent – finit par comprendre que “t’as vu la vidéo que j’ai postée sur ton mur?”, loin d’être un acte terroriste, n’est qu’un simple partage d’information entre amis. Et nous faisons la paix.

Ma douche est à présent terminée et le moment est venu de me sécher. Et de revenir à la réalité. Nous sommes bel et bien en 2014. Et j’ai non seulement un compte Facebook, sur lequel je poste des vidéos, mais j’ai aussi un blog (sans blague), sur lequel je raconte les rêves éveillés que je fais, le matin, sous la douche. Je vous le dis, nous vivons une époque formidable.

La nomade (toute propre!)

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Commentaires
  • Jean
    Répondre

    Je suis flatté 😉 moi perso les idées de génie ne me viennent pas sous la douche mais au petit coin. 🙂

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