Dans Bruxelles, ma belle, Réflexions

A Bruxelles, où je vis, je me déplace quotidiennement à vélo. Et des fois, j’en ai marre. Marre de devoir me déguiser en sapin de Noël pour éviter les “je ne vous avais pas vue”. Marre de m’intoxiquer rien qu’en respirant (que je sois à l’extérieur ou même à l’intérieur). Marre d’entendre et de voir, partout, tout le temps, des voitures, qui sont trop bruyantes, qui sentent mauvais, qui roulent trop vite et qui sont stationnées n’importe où.

Je veux juste pouvoir respirer et (parfois) entendre le chant des oiseaux

Alors, dans ces moments-là, je mets le cap sur le Nord. Me voici donc aux Pays-Bas, à Haarlem, puisque c’est ici que j’ai trouvé un échange de maison. Trois heures de train seulement et me voici dans un autre monde. Ici, je viens pour me ressourcer. Pour respirer un air pur. Pour me rappeler pourquoi je me bats: pour une ville qui ressemblera, dans un avenir pas si lointain, à toutes ces villes du Nord. Pour une capitale humaine, qui a su se rappeler qu’une ville, ce sont avant tout des gens.

Bruxelles, le début de la transition vers une ville apaisée

Voilà près de quatre ans que la bicyclette est devenue mon moyen de transport quotidien favori. Depuis quatre ans, la situation pour les cyclistes à Bruxelles s’améliore peu à peu, c’est vrai, mais pas assez vite à notre goût. Encore hier, un ami relatait sur son blog cet incident survenu à Saint Gilles: un automobiliste ouvre la portière de sa totomobile sans regarder si la voie est libre. Résultat: portière pliée et… une cycliste blessée. Un classique.

J’ai moi-même fait les frais de ces conducteurs “distraits”, à deux reprises, cet été. Dans les deux cas, j’ai eu droit à un “je ne vous avais pas vue”. Heureusement, je m’en tire sans trop de dégâts (un vélo plié (cadre acier) et quelques contusions, toujours visibles des mois après l’accident.

Bruxelles, comme d’autres villes où la bicyclette n’a fait son retour que récemment, est (parfois) assimilée à une jungle. Une jungle où celui qui a opté pour le dioxyde de gambettes comme carburant au quotidien doit parfois se battre pour se faire respecter. C’est malheureusement normal, à ce stade: nous sommes en pleine transition. Regardez les Pays-Bas, dans les années 70: la situation n’était guère meilleure, et c’est à grands coups de manifestations et autres rébellions que le vélo a réussi à s’imposer partout dans le pays.

Pour une utilisation raisonnée de la voiture en ville

A cela s’ajoute le problème des voitures beaucoup trop nombreuses, utilisées de façon intempestive (oserais-je dire “compulsive”, dans le cas des 25% qui l’utilisent pour parcourir moins… d’un kilomètre. Oui oui, vous avez bien, lu) dans notre belle capitale. Ces engins, d’une longueur moyenne de 5 mètres et d’un poids variant entre une et deux tonnes, non seulement prennent de la place, usent les infrastructures, tuent (voir l’article de blog de mon ami Mateusz évoqué plus haut), mais elles sont aussi bruyantes et, surtout, polluent énormément. (La voiture est et reste le principal responsable de la pollution de l’air dans les villes.) Et si la voiture n’était pas un moyen de transport adapté à la ville?

Bruxelles, demain

Laisse-moi te conter Bruxelles, dans 5 ans (oui, je suis d’un naturel optimiste). Pour cela, laisse-moi te conter Haarlem et les autres villes néerlandaises, aujourd’hui. (NB: certes, Haarlem n’a pas la taille de Bruxelles. Mais les bonnes pratiques observées ici se retrouvent aussi dans des villes plus grandes, comme Amsterdam. Voilà pourquoi j’ose la comparaison.)

D’abord, il y a ce silence. Un silence presque troublant. Voilà quatre jours que j’ai l’impression que c’est dimanche. Le silence, parce que les voitures ne circulent que très peu dans la ville.

BruxellesEnsuite, il y a l’air pur. Un air si pur qu’il donnerait presque le tourni. Chaque jour, je consulte plusieurs fois mes applis qui indiquent la qualité de l’air. Le constat est à chaque fois le même: “air pur”. Dingue. Bonheur. Mes poumons me remercient.

Ce n’est pas tout. Qui dit “silence” et “air pur” dit aussi “oiseaux“: on ne les entend plus, à Bruxelles. Ils se sont barrés. Et les rares qui restent, bah on n’arrive plus à les entendre, à cause du bruit des voitures.

Et les gens? Ah, les gens! Ils se parlent, ils échangent, ils communiquent. Normal: ils se déplacent majoritairement à pied ou à vélo. Ils ne sont pas enfermés dans un habitacle. Forcément, ça facilite les échanges.

Voilà donc à quoi ressemblera Bruxelles, dans 5 ans. Les rues piétonnes se seront multipliées. Les zones 30 (ou 20) aussi. Elles seront partout, et les marquages seront si lisibles que personne ne pourra se tromper: pavés roses pour les zones à vitesse limitée, macadam pour les autres (limitées aux grands axes). Dans ces zones à vitesse limitée, plus besoin d’installer des pistes cyclables: la route se partage dans une bonne entente et sans risques.

Bruxelles

Le bouton magique: tu appuies, le feu pour les vélos passe au vert.

Pour encourager encore plus l’usage du vélo (bon pour l’environnement, pour la santé (et donc pour le portefeuille de la collectivité), pour le moral (le vélo rend heureux, c’est prouvé)), on a installé des infrastructures adaptées aux endroits stratégiques: des feux spéciaux pour les cyclistes (que ceux-ci respectent, car adaptés à leur mode de déplacement), des arceaux à vélos confortables, partout, des traversées sécurisées aux carrefours, etc.

Grâce à toutes ces zones apaisées, les uns redécouvrent le plaisir de la marche, tandis que les autres osent enfin se déplacer à vélo, et même les enfants vont à l’école à pied ou à bicyclette – les parents n’ont plus peur qu’ils se fassent renverser. Les totomobilistes qui circulent pratiquant eux-mêmes la bicyclette, c’est avec respect et prudence qu’ils se déplacent sur la route.

Bruxelles

Oh, des arbres à vélos!

Le problème des embouteillages est enfin résolu: le trafic étant apaisé, les bus et les trams circulent bien mieux. Les usagers sont donc plus nombreux à les emprunter pour se déplacer.

Enfin, tout le monde respire. Plus besoin d’un dimanche sans voitures pour avoir droit à un air sain. Exit les dépassements des seuils de dioxyde d’azote et autres particules fines! Bruxelles respire enfin!

Bruxelles

Des passants qui passent

Savoir prendre le train de la transition

Est-ce tout cet air pur qui m’est monté à la tête? Je ne crois pas. Si tu as envie d’aller plus loin (et de voir que mes propos ne sont pas exagérés), je te conseille mes deux dernières lectures:

  • Petit manuel de résistance contemporaine, de Cyril Dion (l’auteur du film Demain) – un petit bijou, qui te rappelle que non, il n’est pas trop tard. Bon, au début, tu as envie de te pendre, mais ne renonce pas et poursuis ta lecture: une vraie bouffée d’espoir! Et des outils pour agir toi aussi, concrètement. (Merci, Romain, pour la recommandation!)
  • Le retour de la bicyclette – Une histoire des déplacements urbains en Europe, de 1817 à 2050, de Frédéric Héran. Brillant, passionnant et hyper instructif. En gros, il y a l’avant, le pendant et l’après bagnole (en ville, donc. J’insiste car la voiture reste un formidable moyen de déplacement pour un tas d’autres usages). (Merci, Lucas, pour la recommandation!)
Bruxelles

Highly recommended!

Voilà. Sur ce, je m’en retourne écouter les oiseaux et respirer. Mais respirer fooort, t’as même pas idée! Vivement, demain, non? 🙂

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2 commentaires affichés
  • Jeanne à vélo
    Répondre

    “Dans ces zones à vitesse limitée, plus besoin d’installer des pistes cyclables: la route se partage dans une bonne entente et sans risques.” : voilà, c’est ça qu’il faut viser !

    Merci pour le reportage.

    • Katia
      Répondre

      Exactement: les pistes cyclables sont avant tout une forme de ségrégation (on va mettre les cyclistes de côté pour qu’ils ne dérangent pas les automobilistes). Ce qu’il faut viser, c’est le partage de la route entre les différents usagers. Merci pour ton commentaire!

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